Album : Demain le chaos
(Victor Hugo)
Depuis six mille ans la guerre Plait aux peuples querelleurs, Dieu perd son temps à faire Les étoiles et les fleurs. Les conseils du ciel immense, Du lys pur, du nid doré, N'ôtent aucune démence De l'homme effaré. Les carnages, les victoires, Voilà notre grand amour ; Et les multitudes noires Ont pour grelot le tambour. C'est d'avoir à la bouche La salive des clairons, Les sombres âmes s'allument Aux lumières des canons. La gloire, sous ses chimères Sous ses chars triomphants, Met toutes les pauvres mères Et les petits enfants. Cela pour des altesses Qui, vous à peine enterrés, Se feront des politesses Pendant que vous pourrirez, Que, dans le champ funeste, Les chacals et les oiseaux, Hideux, iront voir s'il reste De la chair après vos os ! Aucun peuple ne tolère Qu'un autre vive à côté ; Et l'on souffle la colère Dans notre imbécillité. On se hache, on se harponne, On court par monts et par vaux ; L'épouvante se cramponne Du poing aux crins des chevaux. L'aube est là sur la plaine ! J'admire, en vérité, Qu'on puisse avoir de la haine Quand l'alouette a chanté.